[ CHAPITEAU ] — 522 — ne font que poser des principes matériels étrangers aux principes admis jusqu’alors; la forme, si belle qu’ils l’aient trouvée, n’est qu’un moyen, qu’une enveloppe soumise aux calculs de l’esprit. Une fois engagés dans cette voie, les artistes qui suivent ne cherchent qu’à la pousser plus avant ; entraînés par une succession de lois qui se déduisent fatalement comme des problèmes de géométrie, ne possédant pas ce tempérament de l’esprit qu’on appelle le goût, ils ne peuvent revenir en arrière ni même s’arrêter, et ils étendent si loin leurs raisonnements, qu’ils perdent de vue le point de départ. C’est toujours la même voie parcourue dans le même sens; mais elle va si avant, que ceux qui sont forcés de la suivre ne savent où elle les conduira. Les arts antiques conservent un étalon auquel ils peuvent recourir, car pour eux la forme domine le raisonnement ; les arts du moyen âge n’ont d’autre guide qu’un principe abstrait auquel ils soumet tent la forme. Cela nous explique comment, dans un espace de temps très-court, la logique, le savoir, l’expérience, peuvent aboutir à l’absurde, si une société n’est pas réglée par le goût (voy. Goût). On voudra bien nous pardonner cette digression à propos de chapiteaux; mais c’est que, dans l’architecture ogivale, ce membre est d’une grande importance. 11 est comme la mesure servant à reconnaître les doses de science et d’art qui entrent dans les compositions architectoniques; il permet de préciser les dates, de constater l’influence de telle école, ou même de tel monument ; il est comme la pierre de touche de l’intelli gence des constructeurs : car, jusque vers le milieu du xm e siècle, le chapiteau est non-seulement un support, mais aussi le point sur lequel s’équilibrent et se neutralisent les pressions et poussées des construc tions ogivales (voy. Construction). L’histoire que nous avons tracée de. la transition entre le chapiteau roman et le chapiteau appartenant définitivement à l’ère ogivale devait être trop succincte pour que nous n’ayons pas été forcé de négliger de nombreux détails. Du jour où chaque colonne ou colonnelte porte son chapiteau propre, ce n’est plus qu’une question de décoration. Mais cette question a sa valeur, et nous devons la traiter. Elle ne peut cependant être séparée de la forme et des dispositions données aux tailloirs. Vers le milieu du xm c siècle, lorsque, dans l’Ile-de-France, la Cham pagne et la Picardie, les architectes s’efforçaient de tracer les tailloirs des chapiteaux suivant des figures qui inscrivaient méthodiquement les lits des sommiers des arcs, en Normandie on tranchait brusquement la dif ficulté ; au lieu de formes anguleuses, on donnait aux tailloirs la figure d’un cercle sur lequel venaient s’asseoir les arcs avec leurs divers membres. L’architecture en Normandie et en Angleterre a cela de particulier, à celte époque, qu’elle emploie des moyens que nous pourrions appeler mécaniques dans l’exécution des détails. Ainsi se révélait déjà l’esprit pratique de ce peuple plus industrieux que raisonneur. Cette observation s’applique également à la sculpture qui, en Angleterre et en Normandie, à partir du xin® siècle, devient d’une monotonie fatigante ; on y sent