— 523 — [ CHAPITEAU ] le travail manuel, mais point l’empreinte de l’imagination de l’artiste. Nous reviendrons sur ce fait. Les raisons qui font donner au chapiteau telle ou telle forme, qui influent sur le tracé du tailloir, étant connues d’une façon sommaire, on remarquera que, pendant la seconde moitié du XII e siècle, l’ornemen tation tend de plus en plus à prendre une fonction utile. Les retroussis ou crochets qui sont destinés à soutenir les angles du tailloir deviennent plus volumineux, plus solidement greffés sur la corbeille (voy. fig. 21) ; cependant la saillie de ces crochets ne dépasse pas l’angle du carré du tailloir tenant au chapiteau : c’est-à-dire que A étant le sommet de l’angle de la tablette du tailloir tenant au chapiteau, le crochet sera pris dans l’épannelagc BGDE (37). On ne trouve que bien peu d’exceptions à cette règle jusqu’au mo ment où les tailloirs commencent à être tracés sur des polygones, vers 1230. Au contraire, à partir de ce mo ment, les crochets débordent plus ou moins les angles de la tablette supérieure du chapiteau, et il est cer taines provinces, par exemple, où ils sortent de sa cor beille comme des végétations vigoureuses, pour s’épanouir en dehors de l’aplomb des moulures les plus saillantes des tailloirs. Cette première observation faite sur le plus ou le moins d’étendue que prend la sculpture dans les chapiteaux, il en est une autre, non moins importante, c’est celle relative au caractère même de cette sculpture. Pendant la période romane, la décoration des chapiteaux suit des tradi tions, répète ou arrange certains ornements pris, soit à l’antiquité, soit aux meubles, aux bijoux, aux étoffes venus de Vénétie ou d’Orient, tout en s’appropriant ces ornements et leur donnant une allüre française, bourguignonne, normande, champenoise, poitevine, etc.; cependant on voit bien qu’il y a là l’interprétation d’un autre art. Ce sont des plantes acclimatées, modifiées par la culture locale, mais ce ne sont pas des plantes indigènes. Vers la fin du xn' siècle, c’est tout autre chose; une nouvelle plante naît sur le sol même et finit par étouffer celle qui était exotique. On voit, vers le milieu du xn° siècle, percer autour de la corbeille du chapiteau certains bourgeons peu développés d’abord, qui se mêlent aux entrelacs romans, à leurs feuilles, à leurs animaux fantastiques. Peu à peu ces bourgeons s’étendent, ils s’ouvrent en folioles grasses, encore molles de duvet; les tiges charnues, tendres, ont celte apparence vigoureuse des jeunes pousses. Mais déjà cette première végétation a expulsé les enrou lements perlés de la feuille anguleuse, découpée, du commencement du xii° siècle; elle est luxuriante, quoique encore chiffonnée et repliée sur elle-même comme le sont les premières feuilles qui crèvent leur enveloppe. Entre ces feuilles repliées, on aperçoit les boulons des fleurs. Déjà les tiges deviennent plus nervées, elles accusent des angles dans leur section. Mais, chose singulière, il ne faut pas croire que cette floraison de l’orne-