ANALYSE DE L’OUVRAGE DE BUNGENER, TBOIS SERMONS SOUS LOUIS XV. On entend dire tous les jours que nous vivons dans une epoque prosa'ique. Ne serait-il pas plus vrai de dire que la poesie s’est retiree de la vie sociale pour se concentrer dans la vie privee. Autrefois la vie collective etait personnelle et reclamait incessamment le concours des in- dividus. Mais le caractere de notre temps consiste en grande partie dans la formation des idees generales et des institutions sociales. La machine, voilä le point earacteristique de notre siecle. Nous n’avons qu’ä jeter un coup d’oeil sur l’administration des etats et surtout sur le pantheisme contemporain oü la personnalite s’absorbe dans l’idee. Partout nous retrouvons le machinisme. C’est un progres incontestable, puisqu’on obtient une immense economie de forces, mais le coeur de l’homme est-il satisfait, les besoins de son äme sont-ils assouvis? Voilä une question ä la- quelle on ne peut donner qu’une reponse tres douteuse. Mais cependant la poesie existe et ne peut s’extirper, si eile s’est retiree de la vie sociale, eile a trouve un refuge dans la vie privee, dans les familles. De lü ce riebe developjiement de lyrisme sous les differentes formes de roman. Le roman est l’epopee de notre temps. II est tout naturel que je ne parle pas de ces romans dont quelques ecrivains n’ont pas honte de sälir leur plume. II est vrai que, quand on parle de la litterature actuelle de la France, bien des personnes s’imaginent, qu’on ne publie maintenant dans ce pays que des romans qui ne sont bons qu’ä cor- rompre le coeur de la jeunesse. II existe malheureusement une foule d’ouvrages qui ne doivent pas trouver place dans la bibliothüsque des familles, et qui au lieu d’inculquer ä la jeunesse des Senti ments honnetes, ne leur montrent que le mauvais cote de la vie, qui, au lieu de donner des exemples oü l’homme puisse retremper son äme, ne lui montrent que la fange dans laquelle il peut tomber. Ces livres-lä sont nombreux; mais d’un autre cöte, quel choix immense d’ouvrages n’avons-nous pas qui, loin de nous egarer dans de mauvaises voies, servent au contraire ä guerir les maladies de l’äme en lui montrant l’ideal que chaque creature doit chercher ä atteindre dans quelque sphere qu’il se trouve. C’est surtout sur un de ces livres que je chercherai ä attirer l’attention. L’ouvrage dont je vais essayer de donner une esquisse appartient aussi au roman; je ne puis le nommer que roman bistorique. Quoiqu un ecrivain allemand ait dit que: ,,Le roman historique etait le poison de l’histoire,“ cette forme me parait cependant tres propre ä fixer dans la memoire les faits historiques qui souvent echappent dans les livres au resume d’histoire, parce qu’on n’en voit pas les causes, les relations qu ils ont avec tel ou tel autre fait, qu’on n’en deduit pas les consequences qu’ils ont dans les faits subsequents. Mais ici se presente une difficulte, je dirai meine un danger pour celui qui ne voudrait apprendre l’histoire que par le moyen de semblables ouvrages. II est träs difficde d’y distinguer l’historique du romanesque. II faut etre prudent dans la part ä faire ä la verite et ä la fixion, dans les descriptions de moeurs, dans teile ou teile Situation, dans les carac- türes qui peuvent aussi bien appartenir ä l’une qu’ä l’autre. Mais un grand avantage dans ce genre d ouvrage, c’est qu’il läve le voile sur bien des evenements, il introduit dans les coulisses et nous fait voir comment se prdparent les roles qui doivent etre joues sur la grande scene du monde. Quelle a ete la cause de la participation de la France ä la guerre de sept ans, et partant de toutes les defaites, de tous les desastres qu’a subis ce royaume? — Marie Theröse ecrit ä Mm. de Pompadour en la nommant sa Cousine, et le traite est conclu. C’est ainsi qu’en entrant dans les petits details, l’auteur nous donne la clef de tant d’obscurites et nous apprend ä ne pas les negliger dans Fetude de l’histoire.